Watchmen

Alan Moore, (scénario), Dave Gibbons, (illustrations)

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Watchmen est considéré par certains comme le plus grand des comics jamais écrit. Son auteur, Alan Moore, accompagné ici de Dave Gibbons aux dessins, est pour sa part considéré comme le plus grand des scénaristes anglais. Même mon libraire en est fan, c’est pour dire! Ces raisons m’ont poussé à emprunter ce gros pavé à la médiathèque de mon quartier.

Watchmen est sorti à la fin des années 80, donc bien sûr, à cette époque, pas d’Internet, et pas de téléphones portables ou autres tablettes. Depuis, il est vrai que notre monde a bien changé. La question est de savoir comment a vieilli cette BD, bien ou mal ? Graphiquement, en survolant les pages, on est à la ramasse. Ces planches qui manquent de détails en ont pris un sacré coup, sauf au niveau du lettrage, qui a inspiré le créateur de la police de caractères Comics Sans MS de Microsoft, pas moins. Depuis, les illustrations des BD ont beaucoup évolué, peut-être aussi avec l’aide des logiciel informatiques genre Illustrator ou Photoshop. Maintenant, il s’agit d’apprécier ou non le charme des anciens comics. Personnellement, ça ne me gêne pas, j’attache plus d’importance aux scénarios qu’à ces dessins old school. Se priver d’un comics à cause des graphismes, c’est un peu comme se priver d’un film parce qu’il est en noir et blanc. Le seul ouvrage que j’ai lu pour le moment et dans lequel Alan Moore apparaît est le 1er tome de Miracleman, et je n’ai vraiment pas aimé, j’avoue. Je me suis également plongé dans son gros volume Jérusalem, et pareil, je n’accroche pas, en tout cas, pas pour le moment.

Watchmen se passe au moment du début de la guerre en Afghanistan. Tout commence par une scène de crime, où deux enquêteurs blasés se retrouvent pour l’enquête. Un type bien balèze a été balancé par la fenêtre d’un gratte-ciel. Ils cherchent le mobile. Quelqu’un d’autre cherche à savoir qui a tué, et pourquoi. Il s’appelle Rorschach, comme le test psychologique du même nom. Il porte un masque tacheté, parle un peu comme un robot, et porte un imper style Inspecteur Gadget. Donc le comédien Eddie Blake est mort. Vient une histoire sur Hollis Mason, Sous le Masque, qui, comme un cheveu sur la soupe, raconte sous une forme romanesque autobiographique, une aventure de Moe Vernon, un cocu qui porte des faux seins, écoute du Wagner, et collectionne des objets érotiques. Celui-ci s’est fait plaqué par sa femme, et se suicide. Le narrateur nous raconte le comment du pourquoi lui a voulu devenir flic dans un 1er temps, et s’est costumé en hibou pour faire régner l’ordre, tel un « Juge Masqué ».

Une dame un peu âgée et sa fille parlent de l’enterrement du comédien, les souvenirs refont surface. Watchmen, c’est un peu ça, on passe du coq à l’âne, ce qui peut dérouter le lecteur. On apprend que ce salop d’Eddie Blake a violé cette bonne dame il y a 40 ans. Depuis, elle a pardonné. Il a aussi tué une femme enceinte jusqu’au cou, parce qu’elle lui avait griffé le visage dans une querelle. En fait, le comédien est, (était), une vraie ordure.

Après l’enterrement, retour sur l’enquête, avec Rorschach, qui interroge un type de façon musclée. Rorschach finit par tomber dans un piège et se fait arrêter par la police, puis incarcéré. On apprend son vrai nom alors, Walter Joseph Kovacks. Détesté autant par les flics que par la pègre, menacé de mort douloureuse en prison, son enfance fut un enfer. On comprend son masque, suite au viol et à l’assassinat d’une femme devant ses voisins qui n’ont pas bronché. Il s’en suit une expertise psychiatrique, et une phrase importante : « ce n’est pas moi qui suis enfermé avec vous, c’est vous qui êtes enfermés avec moi ». Un psychiatre tente d’analyser sa personnalité complexe, lui fait subir divers tests, et note même ses rêves.

On en vient au Dr. Manhattan, (Jonathan Osterman), l’homme devenu bleu, accusé d’avoir refilé le cancer à ses compagnes et son entourage. Las, il quitte la Terre en se téléportant sur Mars. Qui n’a pas rêvé un jour de migrer, même sur une autre planète ? Donc deux d’entre eux, parmi les super-héros disparaissent en une semaine. On voit comment, dans ses propres souvenirs, cet homme est devenu bleu, après un accident dans une cabine de test radioactive, et comment ensuite, il a été considéré comme un surhomme, voire un Dieu. Viennent une suite de questions métaphysiques, de regrets. Dieu existe, le surhomme existe, il est américain, est-il pour autant force de dissuasion, surtout face aux russes ? Pourtant, la 3ème guerre mondiale reste en suspens, comme une épée de Damoclès. Au point qu’un type extermine sa famille et s’égorge ensuite, de crainte de la voir arriver.

Puis une nouvelle tentative de meurtre sur Veidt, autre héros masqué, se produit. Donc ces sur-hommes sont bel et bien menacés, mais par qui, et pourquoi ?

MAIS STOP LE SPOIL !!!

On ne lit pas Watchmen comme une BD ordinaire. Déjà, vu le pavé, ça peut intimider. Et aussi, la subtilité de l’écriture. Tout finira-t-il par s’imbriquer ? Des flashback’s, c’est ça Watchmen. Les histoires s’entrecroisent : on peut lire dans Sous le Masque, un roman dans le comics, celle des Minutemen, qui les dépeint limite comme des fachos. De par son scénario, c’est incroyablement contemporain, complètement avant-gardiste, bien plus que certaines BD que l’on peut lire aujourd’hui. Alan Moore fut le 1er auteur à présenter les super-héros avant tout comme des personnes qui ont leurs failles. Ça se lit comme une succession de couches : journal local, roman, comics, journal de Rorschach, on peut vraiment parler de roman graphique. Et cet homme à la dérive sur son radeau en pleine mer, comme dans le vieil Homme et la Mer d’Hemingway. S’ajoutent des réflexions sur la guerre, la bombe atomique, Hiroshima. Le crime et la violence sont davantage suggérés que montrés. Et l’évocation du groupe punk-rock Devo, de son look. Qui se souvient de nos jours des deux premiers albums de Devo ? C’est un comics pour initiés : sur la connerie humaine, les émeutes, la 3ème guerre mondiale, et la crainte, vieille comme le monde que c’est bientôt la fin des temps. L’enquête de départ devient une traque en milieu hostile. Riche en rebondissements, tout droit sorti de l’imaginaire foisonnant d’Alan Moore, c’est juste génial. Il est difficile de bien en parler, car on ne peut pas vraiment décrire un tel chef d’œuvre, même en utilisant des superlatifs. Est-ce qu’une bonne guerre, comme peuvent le penser certains, détruisant une grande part de l’Humanité, engendrerait une paix durable ?

Pour ma part, il y aura un avant et un après Watchmen. J’ai eu un choc très agréable avec le tome I du Sandman de Neil Gaiman, j’ai adoré Maus, ou encore Daytripper, j’ai le même sentiment aujourd’hui pour Watchmen, que j’ai fini par rendre à la médiathèque et que je me suis empressé d’acheter.

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